La clef

J’ai avalé mon repas trop vite. J’ai mal au ventre. Pourtant personne ne m’a parlé. Je me suis tenu à l’écart pour me retrouver. Mais dix minutes pour se retrouver ce n’est pas suffisant. J’aurais pu doubler la mise, c’est certain. Mais à quel prix ? J’espère juste que le calme se prolonge un peu, c’est tout ce que je demande. Compromis ? Qui sait si c’est la bonne option, j’ai du mal à réfléchir. La dernière des choses se serait se retrouver seul face à eux. Rien que de l’imaginer, j’en ai des frissons. M’expliquer? Dérisoire. Il n’y a rien à expliquer, je ne suis rien, je ne sais rien. J’écoute, je fais ce qu’on me dit. Je sers les poings, les dents. Je voudrais pouvoir fermer mes oreilles sans y mettre mes doigts. Comme ça, tranquillement. Sans que personne ne le remarque. Cette nuit, j’ai cauchemardé. Ils me poursuivaient jusque chez moi. Je voyais leurs barbes hirsutes danser dans le brouillard. Des yeux luisants me fixer, me juger. Me tourner autour. Je ne savais plus d’où venaient les voix. Elles partaient au loin comme évanoui, comme pour mieux revenir au creux de mon oreille. Des reproches, à n’en plus finir. Et puis le hurlement qui lacère mes entrailles. Celui qui fait que le temps suspend son cours. Les gestes, les mots. Comme une autre dimension. Une dimension de la violence qui rend chaque seconde comme une attente essoufflée de ce qui va surgir dans le périmètre du regard. Confiné. Oui. Mais la pupille sait se faire furtive pour ceux qui osent braver l’interdit. Ils sont moins nombreux, mais ils sont tant de fois avertis. Avertis.

Réfléchir. Voilà le maître mot. Ai-je réfléchi à ma condition ? N’ai-je pas oublié d’effectuer une action, de prononcer une supplication ? Ai-je pensé à aider ceux qui en avaient besoin ? L’entraide, c’est important, comment puis-je être aussi égoïste ? La fraternité, ce n’est pas un vain mot. Réfléchir à ma condition…

Laissez-moi tranquille! Laissez-moi dormir en paix! Je veux revenir à ma vie d’avant! Comme quand je ne savais pas. Je n’étais pas parmi mes nouveaux frères, à faire battre le coeur.

Entendre battre le coeur. Ce coeur si gros, qu’il en est à peine palpable. Le mien bat si fort le matin lorsque je suis arraché du sommeil. Encore quelques minutes! Mais le cycle est rompu. Mon coeur se remettra bien de tout ça. On se remet de tout.

Pour eux, j’ai dû abandonner mon propre prénom. Ces syllabes qu’à prononcées mon père en me voyant la première fois. Ce cri déchirant qu’a poussé ma mère en me voyant tituber sur la chaussée devant ce pare-choc qui arrivait bien trop vite. Ces sons susurrés à mon oreille, aux cotés d’une brise bienveillante, un après midi d’été, par des boucles blondes étalées dans l’herbe. Ces lettres qui me collent à la peau n’ont plus cours. Plus personne par ici ne m’appelle comme cela. Je ne sais parfois plus qui je suis.

Qu’on se rassure, ils m’ont demandé de choisir ! J’ai fait plusieurs propositions qui me tenaient à cœur. Toutes refusées. Sûrement une bonne raison à chaque fois. Qu’importe ! Où donc est le choix ? J’ai entendu une voix qui a proposé à ma place. Cela a plu. Alors ils ont tous approuvé, dans la joie. « Bon choix » j’ai entendu alors. La belle affaire.

Maintenant je comprends mieux pourquoi ce fut un bon choix. Je comprends mieux ce qu’ils disent de manière générale. Il a bien fallu apprendre. Au début, ce fut ce qu’il y eut de plus dur à supporter. Enfermé par des mots. Les mots forment des idées. A vocabulaire limité, idées conditionnées. Je résiste. Pourtant, autour de moi, nombreux l’ont adopté. Une seconde nature. Traîtres. Parlez normalement, nous ne sommes pas comme eux. Ils ne font que singer. Et puis voilà, je me surprends à parler comme eux.

Aussi.

Je suis contaminé.

Je traverse la rue. Des épaules qui se rapprochent, d’où des longs bouts de tissus dégoulinent le long des corps dans de multiples plis dessinés par les caprices du vent. Les derniers rayons de soleil déclinent sur cette scène. Les ombres s’allongent sur ces dos drapés tous de la même manière. Un inconnu ne verrait qu’une masse uniforme, une vague ondulant sur le béton. Ils me sont familiers. En dehors de la taille, une démarche m’évoque une voix. Une façon de se tenir, un rire. Ils deviennent mes frères.

Les vêtements font les frères. Ils ont été fermes. La pression. Et plein de malice aussi. Un symbole, un signe d’appartenance. Certains d’entre nous étaient fiers d’arborer leur différence à la vue des passants en ville. Une secte, pense le quidam. Il convient d’être prudent. Pas d’amalgames. Place au débat, sans fin. Mais puisque nous devons débattre. Absolument.

Puis les textes à connaître par cœur, jusqu’à l'écoeurement, il y en a tant. Et ils sont tous importants. Bien sur. Pas question de faire une impasse. La pression, toujours la pression. Toujours les mêmes mécanismes pour culpabiliser.

Mais au nom de quoi dois-je me plaindre ? Après tout, je suis venu de mon plein gré.

Et puis, j’ai été choisi.

Je suis un privilégié. Mon destin s’est élevé.

Alors je supporte la pression. Il faut bien. Je sais ce qu’il y a au bout. Je sais ce qui m’est promis. A portée de main, j’ai fait le plus dur. Lorsque je serai au bout, tout sera bien, tout sera facile.

A quoi bon en parler à ma famille ? Ils ne comprendraient pas. Personne ne peut comprendre. Personne à part mes frères.

Mes nouveaux frères.

J’ai été accueilli fraternellement, je le reconnais. Peu de temps a passé et ce sont les mêmes qui m’ont accueilli qui, brusquement, m’ont rendu la vie impossible.

Mais les histoires circulent sur avant. Il y a de cela pas mal d’années maintenant ce n’était pas aussi rude. Il y avait des rires, beaucoup de rires.

Les temps ont changés.

En ce moment même, la violence est extrême. La fin est proche. Les signes sont là, évidents. Mais jusqu’où va-t-on aller? N’est-on pas là au paroxysme? Peut-il y avoir plus de violence encore? L’incohérence n’est-elle pas une forme de violence? Car l’humain peut accepter énormément de choses, mais si le discours à suivre n’est plus cohérent, plus en lien avec la réalité?

Dans les murmures, se ressent le besoin de comprendre. Était-ce si juste de condamner si durement les propos de celui-ci ou de celui-là? N’est-ce pas disproportionné? Certains qui furent parmi nous, sont à présent bannis.

Elle me regarde intensément. Elle n’a pas de barbe pour se cacher mais je ne vois pourtant que ses yeux, et malgré sa modeste taille, je me sens mal à l’aise. Dans un autre contexte, je l’aurais appelé Dark Vador, mais je n’ai pas le cœur à rire. Elle prononce une phrase à voix basse, que je ne saisis pas. Les bribes n’appartiennent pas à mon vocabulaire. La violence des femmes, différente, est tout aussi dérangeante. Ce que je peux admettre chez les hommes, passent beaucoup plus difficilement quand il s’agit d’une femme.

Ce sont pourtant de jeunes hommes sous leurs barbes, ils ont le même âge que moi. Ils sont animés d’une énergie incommensurable à l’exécution de leur tâche. Inébranlables.

Le livre dans la poche sur le cœur.

Ils le connaissent par cœur. Du moins pour les plus motivés d’entre eux. Si seulement les modérés pouvaient les contenir…

Ce soir, dans la petite salle, nous serons tous frères, serrés les uns contre les autres.

Soumis.

Nous écouterons tour à tour les paroles du groupe des cinq. Ceux qu’ils ont choisis pour les représenter. Ceux qui les guident. Nous ne les voyons que dans la salle, jamais ailleurs. Ils ne s’abaissent jamais en de futiles conseils, ils s’adressent à tout le monde en même temps. Des principes généraux à mûrir individuellement. Les autres prendront la suite pour appuyer. La Tradition. Voilà ce qu’on nous transmet.

Devenir des frères dans la tradition.

Le temps nous est compté, la fin est proche. Les nuits sont très courtes. Les heures ne sont qu’une poignée entre les cérémonies du soir et celles du matin. Nous sommes épuisés. A bout de course. De la sueur entremêlée de larmes. Le rouge est de mise. Cette période est sanglante. Ce sont leurs mots.

Au détour d’un couloir, me voilà au coeur d’une conversation. L’un d’eux parle. Si la pression est devenue autant insupportable, c’est parce que nous devons réagir. La Clef.

Réagir tous ensemble, dans un même élan.

Refuser la soumission parce que nous avons vaincu nos peurs. Cette clef n’est donnée qu’à une poignée. A notre charge de convaincre l’ensemble. Si nous réussissons dans cette tâche, alors nous prouvons notre unité et nous sortons gagnant de cette épreuve.

Ce soir, toute la promo conscrite sortira de l’école des Arts pour investir le café du coin loin du tumulte des Anciens. Nous pourrons ainsi être dignement baptisés.



Explication du texte “La clef”

Je remets ce texte au goût du jour car le temps a passé et qu’il a sombré dans les profondeurs de mon facebook. Il est pourtant au coeur du message que je vous transmets. Il est important de le méditer. Mais puisque l’heure n’est plus aux allégories, je me dois de mettre en lumière sa signification pour dissiper les mauvaises interprétations. Vous l’avez bien compris, je joue bien sur l'ambiguïté entre mon expérience aux Arts et Métiers de 1994 et la découverte des musulmans en 2012. Que cela soit bien clair, le récit n’a aucun lien avec ce que j’ai pu vivre l’année dernière, il est entièrement basé sur l’école. Ce n’est que grâce à une fausse perception de l’Islam que le lecteur peut tomber dans le piège. Toutefois, effectivement, le but recherché est le même: l’unicité des “frères”. Pour schématiser, le but de chaque promotion de Gadz’arts est de former la suivante dans le cadre d’une période appelée les usinages. Durant cette période, les deuxième années, les Anciens, se donnent un aspect repoussant pour se détacher de la promotion conscrite. Ils maintiennent un climat de crainte et une pression permanente. Je ne vais pas faire une longue énumération des pratiques. Il faut retenir les éléments essentiels qui sont: le manque de sommeil, l’apprentissage des chansons traditionnelles et de l’histoire de l’école, le travail de préparation du gala et les moments de détente destinés à souder le groupe. Il est évident que l’alcool joue un rôle important. En deux mois intensifs, le groupe possède de bonnes bases de cohésion et pour devenir une promo à part entière il faut que celle-ci accomplisse le geste ultime: la rébellion face aux Anciens. La dernière semaine est donc très violente et est appelée la Sanglante. Tout est mise en oeuvre pour que la situation devienne insoutenable. Tout cela est sensé être basé sur une réflexion psychologique du fonctionnement d’un groupe. Ici point de divinité, un échantillon d’humain se gère lui-même.

Pour moi, la résurgence de la barbe et d’un certain fondamentalisme rigoureux est la preuve que Dieu insuffle une pression sur l’humanité pour que celle-ci se rebelle. Il n’est pas question que seul un groupe se libère indépendamment des autres, l’humanité doit rester unie. Il est évident que passer de l’échelle d’une école d’ingénieurs à celle de l’humanité entière peut paraître un peu léger. Ce texte n’a en réalité pas d’autre prétention que de vous faire réfléchir. Encore et toujours. Il serait hasardeux de dire que Dieu favorise la violence et le terrorisme par exemple. Tous les évènements actuels ne sont que le fruit de la volonté humaine. Il faut juste saisir l’exacerbation des passions comme moteur de l’éclosion.

J’espère être clair et je serai heureux de lancer un débat ou de répondre aux questions.




La guinguette

Un week end au bord de la Seine. Les derniers jours de l’été. Autour de moi, les gens s’amusent, boivent, échangent. Ils oublient le quotidien. Bon nombre d’entre eux sont des artistes. Des musiciens, des peintres, des photographes, des plasticiens. Des gens généreux. Tout cela m’ait offert. Je n’ai qu’à me laisser vivre.

Pourtant je suis perdu dans mes pensées. Les Arts et Métiers d’un coté. L’Islam de l’autre. Ou plutôt la vision qu’en ont les européens. Ce qu’ils en ont fait? Ce que les musulmans eux-mêmes en ont fait? Tous coupables, tous punis. J’ai fait le parallèle bien avant l’été. Une révélation. Pendant toutes ces semaines, ces idées ont tournés dans ma tête. Je ne sais pas quoi en faire. Un texte de plus? Sera-t-il seulement lu? Comment le rédiger? Dresser une liste des analogies? Rébarbatif. il faut pourtant que ca sorte, cela ne peut pas rester en moi. Expulser.

Je suis assis sur une chaise au bord d’une table sous la tonnelle. Mes yeux alors dans le vague sont attiré par une toute petite enfant qui vient de grimper sur une chaise. Un objet tombe de ses petites mains. Deux ans tout au plus.

Comme font les enfants de cet âge qui apprennent à parler, elle répète plusieurs fois les mêmes syllabes dénuées de sens pour un adulte. Mon coeur fait un bond dans ma poitrine.

Haqiqa, haqiqa, haqiqa. (Vérité, vérité, vérité)



La représentativité.

La clef d’écriture de la période de fin des usinages aux Arts et Métiers m’a contraint énormément. Le jeu en valait la chandelle.

L’effet de surprise s’étant dissipée, je peux aborder le sujet de manière plus technique. Certains pourront regretter, moi y compris, que je n’y mette pas les formes. Il faut bien admettre que d’écrire avec du style est glorifiant.

Malheureusement le temps presse, je dois me concentrer sur le contenu uniquement. Je laisse même passer d’horribles fautes d’orthographes.

Mon expérience dans cette école fut riche d’enseignements à tous les niveaux.

Ce qui va servir ma pensée actuelle traite principalement de l’analyse d’une structure de société élitiste plus ou moins secrète, et d’autre part du mode de transmission des valeurs.

Tout porte à croire que ces deux sujets sont indissociables. En effet, l’appartenance à une confrérie implique d’obéir à une loi propre à celle-ci. La loi étant la même pour tous, si l’on accepte d’autres codes, on s’éloigne donc de la société. Il n’y a alors pas d’autre choix que d’observer ces lois à l’abri des regards.

Ce qui est frappant avec la confrérie des Gadz’Arts, c’est cette totale opacité. Une omerta quasi parfaite. Même les plus farouches opposants au système des usinages ne divulguent pas à l’extérieur ce qu’ils vivent. Pourtant, il n’y a pas d’homme de main qui vous met la pression avec un pistolet sur la tempe.

La pression est beaucoup plus sournoise que cela. Tout l’enjeu est de faire parti de l’annuaire des anciens élèves. Ce qu’il faut comprendre, c’est que si le réseau est très efficace pour vous faire accéder à des postes grâce à la cooptation, il peut aussi fonctionner dans l’autre sens.

D’une manière invisible, vous pouvez être maintenu à l’écart. Il est impossible à quiiconque de pouvoir lutter contre une telle chose. Je pense que consciemment ou inconsciemment, chacun qui met le doigt dans ce système réalise cet enjeu.

Ceux qui sont expulsés, ils sont rares, gardent un souvenir amère de leur mise à l’écart et préfèrent effacer ce passage de leurs vies.

En parlant d’expulsion, je vais faire une parenthèse. Sur 150 éléves dans la promotion, il devait y avoir 4 maghrébins. 2 ont été virés. Les 2 autres ont simplement redoublé.

Il faut y voir là une tare génétique évidente. Dans les grandes écoles françaises, on aime pas trop les noms exotiques. Bon sang, mais on pouvait pas les faire rater l’oral à ceux là?

Il est impossible de ne pas garder une trace à vie de la torture psychologique que représente les usinages. L’armée à coté, c’est vraiment de la rigolade, et pourtant j’étais dans un régiment semi-disciplinaire de l’est de la France.

Du point de vue physique, c’est même dangereux, car il n’y a même pas un professionnel cadre médical pour surveiller les protagonistes. Tout juste des secouristes en herbe qui sauront vous prendre le pouls après un malaise.

Qu’il n’y ait pas plus d’accidents tient à la jeunesse des élèves. On endure beaucoup à la vingtaine. Par contre, je pense qu’on est beaucoup plus vulnérable psychologiquement. Oh, bien sur, il n’est pas question de générer des hordes de psychopathes, qui vont compenser leur déséquilibre dans telle ou telle action. Non non. C’est bien plus subtile que ça. Il s’agit de créer une confrérie de personnes d’élite. Ce que je sous entend, c’est qu’il s’établit qu’on le veuille ou non, une sorte de soumission au groupe. Une espèce d’entité, qui serait un idéal inaccessible au commun des mortels, qu’il s’agirait de vénérer comme une divinité. Bien entendu tout cela n’est pas formulé, et il n’’est pas évident, si l’on ne prend pas un tant soit peu de recul de saisir cela.

Fraternité, c’est là notre devise.

Voilà une bien belle devise semblerait il. Porteuse de valeur humaine universelle. Cette valeur se retrouve dans l’Islam, ce n’est donc pas ça, le dieu que nous cherchons. Selon moi, cette fraternité n’a rien d’universelle, c’est une valeur de confrérie, elle établie un mur entre l’intérieur et l’extérieur. Elle est la base de la notion d’appartenance à une élite.

C’est l’expression absolue de vouloir faire parti de l’oligarchie. Du sionisme athée.

Les belles valeurs en prennent un coup.

Issus de concours qui n’ont conservés que les meilleurs, voilà les jeunes martelés avec l’idée de grimper.

Appartenir à l’élite, moi aussi j’ai cru en ces conneries.

Mais je ne suis ni masochiste ni sadiste. Lorsqu’au printemps venu, les tables rondes se sont mises en place pour établir le calendrier et les règles des usinages que nous allions poursuivre à la rentrée suivante, j’ai fait entendre ma voix.

Nous étions réunis par petits groupes pour pouvoir discuter calmement sous la présidence d’un membre du comité des traditions. Je reviendrai un peu plus tard sur ce comité.

Nous étions donc à la première réunion, et le but était de réfléchir ensemble à la philosophie des prochains usinages.

J’ai alors osé l’impensable: J’ai demandé à ce qu’il soit possible de bannir les hurlements et de réfléchir à un mode de transmission des usinages diffèrent. Tout d’abord, je fus étonné, personne ne semblait concerné par mon idée, alors que tous avaient tout autant que moi dégusté. Le temps avait fait son oeuvre semble-t-il. Je me souviens alors comment le membre du comité m’a alors coupé totalement dans mon élan en déclarant que la date de début des tables rondes ne permettait pas d’envisager de réfléchir à un mode de transmission autre que celui que nous avions subi.

En gros, il était trop tard. J’étais mis devant le fait accompli.

Fin de la discussion.

J’étais sidéré.

Ce qui s’est passé? Oh, vous devez bien vous en douter. En réalité, ces réunions de travail n’étaient que des mascarades. Il n’avait jamais été question de remettre en question quoi que ce soit. Et le programme des réjouissances à venir, à part des points techniques de détails ressemblait comme deux gouttes d’eau au précédent. Et ce, malgré un nombre important de ces réunions.

Vous me direz, il est dur d’évoluer dans des systèmes de pensée aussi traditionalistes. Certes. Mais je voyais bien que peu d’efforts avaient été fait pour influer sur la philosophie des usinages.

Mais ces visages défaits autour de moi, ces coups de gueule, cette souffrance, je ne l’ai pas imaginé. Pourquoi rien ne change si cela fut si dur?

En vérité, sous l’apparence d’un système démocratique où tout le monde peut s’exprimer librement et de manière horizontal, les réelles prises de décision étaient l’oeuvre du quinté magique.

Pourtant ce quinté avait été le fruit d’élections représentatives.

Pour schématiser, on pourrait dire que la promotion se divise en 5 parties: Ceux qui sont totalement à fond dans les traditions, ceux qui s’y opposent totalement, et puis le reste qui se réparti équitablement en pourcentage. Si bien qu’en élisant 5 personnes pour prendre la tête du comité, nous sommes surs que tous les courants de pensée sont représentés.

Et cela a été le cas, il y avait juste après les élections, un des 5 qui était un gars qui en avait fait voir à nos anciens. Il était une forte tête et ne supportait pas la forme des usinages. Et un deuxième, moins extrémiste, mais tout aussi convaincu que la forme était à discuter.

Au niveau représentation, on ne pouvait pas rêver mieux.

Hélas.

Pour devenir Gadz”Arts, vous vivez une expérience mystique. Je suppose que cela doit furieusement ressembler aux cérémonies francs-maçonnes.

Je ne vais pas rentrer dans les détails, cela n’a que peu d’importance, il n’y a de toute façon pas besoin d’avoir beaucoup d’imagination pour comprendre ce qui s’y passe.

On se prend beaucoup au sérieux, voilà ce qui est sur.

Or, lorsque l’on devient un membre du comité des traditions, on devient un super gadz.

Les 5 ont participé à un week end spécial.

Ils y ont rencontrés cette fois des Gadz’Arts agés, garants des traditions perpétuelles. Ils ont pris part à une intronisation d’un autre niveau.

Cette fois, impossible de savoir. Motus et bouche cousue.

Mais à voir leurs regards, ils sont changés.

La représentativité n’est plus. D’un extrême, nos deux rebelles sont passé de l’autre.

Le système est verrouillé. Implacablement.

Pourquoi m’est il totalement impossible d’adhérer à un système de valeur tel que celui des francs-maçons? Pas parce que j’ai mené une enquête, ou que j’ai analysé quoi que ce soit.

La réalité est que j’ai pensé comme eux, que j’étais fier d’appartenir à une élite. Et que invariablement, il m’est venu l’idée de créer un club de personnes que je jugerais suffisamment valable pour faire progresser le monde dans le sens des valeurs que je possède. Que la méthode serait la cooptation, et que l’on aurait logiquement le contrôle des institutions.

Je n’ai pas compris l’oligarchie, je l’ai vécu de l’intérieur même de ma structure de pensée.

Je suis à même de savoir comme tout cela est nocif, et de comprendre le système de défense.

Nous comprenons alors qu’il y a bien un dieu qui est adoré. C’est un dieu blanc, fort en math, qui n’aime pas le changement. Le dieu égo.

Et ce dieu égo, quand il a cessé de chanter Sardou à chaque fin de soirée, il finit par aimer l’argent.

Rédigé par Stephan Pain

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